Des plaquebières sous le soleil de minuit
- Emma
- 2 août 2024
- 3 min de lecture
Mise à part des épines, la cueillette des mûres s'avère une activité sympathique pour tous les âges. Ayant grandi au Royaume-Uni, ma grand-mère ("nanna") nous amenait autour de son village où les ronces étaient chargés de mûres délicieuses. Nous revenions à la maison les mains et les lèvres d'une jolie couleur noire et quelques petites égratignures. Tout le fruit qui restait finissait dans une délicieuse tarte aux pommes et de mûres dont seule ma grand-mère connaissait la recette ! Plusieurs décennies plus tard, je pars toujours à la cueillette des mûres et je peux attester que mes mains sont toujours noires mais la proportion de fruit que je ramène à la maison est plus importante !
Des fruits apparaissent sur des plantes à fleurs (des "angiospermes") suite à la pollinisation. Leur rôle est de protéger et disperser les graines afin d'assurer la perpétuation de l'espèce. En botanique, il existe de nombreux types de fruit. Certains de nos fruits les plus connus sont, en fait, de faux fruit, ce qui veut dire qu'ils sont formé de plusieurs parties,... mais cela reste un thème pour un autre jour.
Tandis que certains fruits sont faciles à cueillir, tels que les mûres (Rubus fruticosus) et les framboises (Rubus idaeus), d'autres fruits demandent plus de patience. Un exemple est le plaquebière (Rubus chamaemorus), aussi connu sous les noms de Chicouté ou Ronce des tourbières. Je suis tombée sur cette plante peu commune pour la première fois sur le flanc d'une montagne en Norvège, bien qu'il soit aussi présent dans les Highlands en Ecosse, un endroit que je visite tous les ans. Fascinée par son apparence, j'ai fait des recherches à son sujet et voici ce que j'ai découvert:

Présents en Europe du Nord, les plaquebières aiment la tourbière qui est détrempé et constitué de sol acide. Ils poussent proche du sol jusqu'à une hauteur de 25 cm et possèdent des feuilles lobées alternes de couleur verte foncée lorsque la plante est mature. A l'encontre d'autres fruits du même groupe d'espèces (mûres, framboises), le plaquebière a des fleurs mâles et des fleurs femelles sur deux pieds séparés. La pollinisation croisée est donc nécessaire pour produire un fruit. En botanique, ceci s'appelle la dioécie. Les fleurs appariassent en mai et en juin et, si la pollinisation croisée a lieu, le fruit mûrit au mois d'août. Il est de couleur ambre et ressemble à une grosse mûre. Chaque pied femelle produit un seul fruit. Les plaquebières ont besoin de soleil pour produire des fruits mais n'aiment pas la chaleur, ainsi, les longs étés du nord leur conviennent bien. Dû à la difficulté de cultiver des plaquebières, ceux-ci font l'objet de cueillette sauvage. Tout comme les sites de truffes, les endroits où poussent des plaquebières sont souvent gardés secrets.
Considéré comme de "l'or du nord" dans certains pays, les plaquebières ont un rendement limité à cause des conditions de croissance, du climat et de leur pollinisation [1]. De plus, les plaquebières sont assez fragile et n'apprécient pas d'être manipulés. Ils contiennent, comme les framboises, des éllagatanins et de l'acide éllagique qui ont des propriétés antimicrobien, antioxydant et anti-cancer [1] et sont très riche en vitamine C [2][3]. L'acide éllagique est une molécule stable et donc garde ses propriétés même quand le fruit est chauffé ou congelé. Les plaquebières sont utilisés dans des confitures, des boissons alcooliques et divers desserts [3].
Malheureusement, je n'ai pas vu le fruit pendant mon séjour en Norvège. Cependant, cette année quand je récolterai des mûres je penserai aux plaquebières poussant sous le soleil de minuit et à leurs fruits rares.
[1] Āboliņa, L.; Osvalde, A.; Karlsons, A. Habitat Characteristics and Mineral Nutrition Status of Rubus chamaemorus L. in Latvia. Plants 2023, 12, 528. https://doi.org/10.3390/plants12030528
[2] Thiem, Barbara. (2003). Rubus chamaemorus L. - a boreal plant rich in biologically active metabolites: A review. Biol Lett. 40.
[3] Nilsen, Gerd. (2006). Cloudberries—The Northern Gold. International Journal of Fruit Science. 5. 45-60. 10.1300/J492v05n02_06.